97*2² - Le changement de support
Nul doute que c'est à l'ordre du jour : l'écriture a changé de support depuis les quelques années de l'existence d'Internet. Historiquement, le philosophe Michel Serres a comparé cela à l'apparition de l'imprimerie de Gutenberg au 15ème siècle.
Deux caractéristiques du nouveau support m'apparaissent comme essentielles : d'une part la mise en réseau des écrits, ce qui amplifie l'intéractivité, d'autre part, la mobilité de l'écrit, qui revêt plusieurs formes.
Dans tout cela, l'éternelle question du sens véhiculé par l'écrit : le sens lui-même, et le rapport que nous avons avec lui.
Le sens, autrement dit, ce que l'écrit veut signifier, représenter; que ce soit vrai, faux, imaginaire, réel, peu importe.
Donc : nous avons d'un côté un signifiant qui est le signe écrit, et de l'autre son support matériel qui devient un réseau de support à fortes mobilités.
Les mobilités sont de plusieurs ordres :
- de par le réseau, l'écrit voyage d'un point à l'autre du monde de manière quasi instantanée. Ce qui n'est pas un mince exploit. Il y a de fait, par principe, à priori, une unification planétaire qui est pour ainsi dire automatisée.
- de par l'électronique, le texte est mobile sur le support lui-même. Le texte se modifie dans sa forme après publication : couleur, police de caractère, taille, mouvements sur la page, etc...
Le signifiant se trouve donc déformé devant un public potentiellement mondial de manière instantanée.
En partant de cette phrase, il n'y a qu'un son qui diffère vers :
Le signifié se trouve donc déformé devant un public potentiellement mondial de manière instantanée.
Or cela, c'est tout simplement énorme. On est là en présence d'une industrialisation automatisée du signifié, c'est à dire ce qui sert à penser, et donc à faire des choix. On peut dire par conséquent qu'Internet produit une industrialisation automatisée des choix humains.
La haute mobilité du texte fait qu'on peut le changer en cours de lecture. Ce n'est pas pratiqué encore. Mais c'est faisable. L'écrit perd son antique stabilité. Le cerveau est donc dépassé. C'est comparable à marcher sur un sol qui bouge. Humainement, penser, faire des choix est devenu potentiellement impossible. Et cela, au niveau individuel. La communication est donc devenue impossible.
On dira que je suis paranoïaque. Je répondrai deux choses :
- Toute conquête se fait sur les failles des capacités biologiques et/ou psychologiques. Et que je sache, pour ne citer que celui-là, le pouvoir national n'est jamais laissé vacant, et sa conquête existe constamment.
- le phénomène existe déjà : la diffusion en différé lors de certains évènements où l'on ne veut pas de mauvaises surprises, est un exemple de modification en temps réel de ce que l'on regarde.
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